Un dispositif vertueux mais des obstacles réels
Le bonus réparation, mis en place dans le cadre de la loi anti-gaspillage et économie circulaire de 2020, s’inscrit dans la démarche des 4 R :
Réparer, Recycler, Réutiliser, Réduire sa consommation.
Il vise à encourager les consommateurs à réparer plutôt qu’à jeter leurs équipements. Financé par des éco-contributions sur les achats de produits neufs, ce dispositif propose une réduction sur les coûts de réparation pour des catégories variées de produits : électroménager, high-tech, textile, meubles, et articles de sport.
Le système est complexe, pas toujours lisible.
Les critères d’éligibilité, les montants des bonus et les démarches, varient selon les produits (informatique, vêtements, vélo, …). Cela ne facilite pas la compréhension du système. Dans le textile, le bonus ne peut pas dépasser 60 % de la facture totale.
Pour un ordinateur portable, les coûts de réparation doivent s’élever à 150 € minimum pour ouvrir droit au bonus.
Le dispositif est encore méconnu par le grand public : en octobre 2024, un français sur deux ignorait l’existence même de cette aide.
La campagne d’information nationale que nous pouvons entendre en ce moment pourrait y remédier.
Le nombre de réparateurs labellisés progresse régulièrement, mais ils sont encore une minorité à s’être engagés dans le dispositif. Par exemple, seuls
10 % des cordonniers et couturiers sont affiliés.
Précisons que la labellisation n’est pas une preuve de compétence.
Celle-ci ne peut pas être évaluée lors de l’inscription. Le «label» n’est donc pas signe de qualité de service, mais simplement d’une réduction (en principe!) de prix.
En résumé :
Des coûts d’intervention augmentés, des critères d’éligibilité compliqués, des difficultés à trouver des réparateurs labellisés et des professionnels qui ne respectent pas toujours leurs obligations ou ont eux-mêmes du mal à s’y retrouver : les premiers pas du dispositif ne sont pas aussi convaincants que l’on pouvait l’espérer. Permet-il d’augmenter le nombre global de réparations réalisées ? Une évaluation précise sera nécessaire pour le dire.
Notre enquête nationale portant sur les réparations cordonnerie et couture
Pour encourager les consommateurs à s’engager dans une démarche vertueuse de réparation, le parcours devrait être simple et clair. Est-ce le cas ?
Les enquêteurs Que Choisir ont appelé 855 cordonniers ou couturiers au printemps 2025. Il s’agissait d’artisans indépendants, de «points de réparation», de boutiques de vêtements et chaussures ou de chaînes nationales de réparation. La moitié d’entre eux étaient labellisés «bonus réparation».
Nous avons demandé les tarifs pour changer la fermeture éclair d’un jean ou recoller les semelles d’une paire de chaussures en cuir. Le bonus pour ces deux réparations se monte à 8 €.
Première surprise, la carte des labellisés, mise en ligne par l’organisme chargé du secteur textile/chaussure, est inopérante. Elle comporte trop d’erreurs et peut renvoyer vers un réparateur éloigné de votre domicile ou ne pratiquant pas le type de réparation indiquée.
Le refus de réparation, quasi inexistant chez les artisans, est fréquent dans les enseignes de prêt à porter. Il concerne 56 % de nos appels. Ces enseignes ajoutent leur propre critère au dispositif en n’acceptant de réparer uniquement les vêtements de leur marque, parfois avec preuve d’achat à l’appui.
Des prix très variables
Un tiers des professionnels n’indique aucun prix par téléphone, on peut le comprendre. Mais notre scénario fournissait des éléments très précis sur la réparation demandée. Une fourchette aurait été possible.
Enquête à retrouver dans la revue Que Choisir de septembre 2025
Et en Sarthe?
Les enquêteurs sarthois ont démarché par téléphone 11 professionnels.
Pour la fermeture éclair de jean cassée, les 5 couturiers appelés ont proposé de remplacer le zip pour un tarif allant de 11€ à 14 € après application du bonus. Sans surprise, comme au niveau national, deux enseignes de vente réservent la réparation exclusivement aux vêtements de leur marque. La réparation d’un vêtement est donc possible pour un coût final raisonnable.
Pour nos semelles décollées, sur les 6 professionnels appelés, trois nous indiquent que la réparation est impossible. Il s’agit de deux cordonniers indépendants et d’une chaîne. Heureusement, trois autres s’engagent à réparer et deux indiquent précisément l’opération qui consistera à remplacer les semelles. Les tarifs indiqués sont de 16.80 €, 22 € et 25 € après application du bonus. Si vous avez une paire de chaussure de qualité à réparer, il vous faudra juste trouver le bon interlocuteur.
Daniel Géraud, commission enquêtes, UFC-Que Choisir de la Sarthe