UFC-QUE CHOISIR DE LA SARTHE

Seuil de revente à perte

Loi EGalim : un an après, un échec inconstestable

Mercredi 16 octobre, une quinzaine de bénévoles s’étaient donné rendez-vous devant l’entrée principale de l’hypermarché Auchan de La Chapelle-Saint-Aubin pour distribuer des tracts afin de sensibiliser les consommateurs sur les effets de l’augmentation du seuil de revente à perte, disposition votée dans le cadre de la loi alimentation. L’UFC-Que choisir de la Sarthe y a présenté symboliquement le chèque en blanc donné à la grande distribution eut aux industriels : plus d’un milliard 600 millions d’euros payés par les consommateurs ont été captés par intermédiaires sans que les producteurs n’en voient la couleur alors que cette mesure était conditionnée, précisément, à une modération des marges de ces derniers Premier bilan de la loi issue des Etats Généraux pour l’alimentation (EGalim) qui s’étaient déroulés du 20 juillet au 21 décembre 2017 : le compte n’y est pas ! Résultat : un chèque en blanc de 1,6 milliard d’euros pour la grande distribution et les industriels et le consommateur paie plus cher ses produits alimentaires Cette loi, promise lors de son discours de Rungis par Emmanuel MACRON, et promulguée le 1er novembre 2018, avait un double objectif : * mieux rétribuer les producteurs par un équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire  en faisant payer plus cher les consommateurs en augmentant le seuil de revente à perte (SRP) ; * apporter aux consommateurs une alimentation saine, durable et accessible à tous. Première promesse  :  payer le juste prix aux producteurs, pour leur permettre de vivre dignement de leur travail Pour cela, la potion magique prescrite par le Gouvernement et soutenue par la grande distribution, l’industrie agroalimentaire et les syndicats agricoles, consistait à faire payer plus les consommateurs pour que les sommes ainsi prélevées « ruissellent » vers les agriculteurs ! Tondre la laine sur le dos des consommateurs a été programmée, à titre expérimental sur 2 ans, en relevant le seuil de revente à perte SRP (*) de 10%, à partir du 1er février dernier. L’encadrement des promotions, en valeur et en volume, là encore à titre expérimental sur 2 ans, a été également mis en place sur les denrées alimentaires. Cela devait permettre de faire en sorte de mieux rémunérer les agriculteurs et les PME agroalimentaires. Fini par exemple le « 2 pour le prix de 1 » ; en revanche le « 3 pour le prix de 2 » restera possible. *SRP : il s’agit de la limite de prix en dessous de laquelle un distributeur ne peut revendre un produit en l’état, sous peine de pouvoir être lourdement sanctionné pour revente à perte. Les représentants de la grande distribution prétendent que le relèvement du SRP n’a occasionné aucune inflation. L’UFC-Que Choisir prouve au contraire qu’une flambée des prix alimentaires a été déclenchée. Dès l’entrée en vigueur de la mesure, le 1er février, l’augmentation a été de 0,83% en un seul mois. La facture alimentaire des français est de 95 milliards d’euros. Aussi, le relèvement du SRP se traduira par un chèque en blanc de 1,6 milliard d’euros au bénéfice des principaux intermédiaires. En effet, rien n’a ruisselé vers les agriculteurs qui ont reçu un chèque en bois. Quid de la promesse de modération des marges ? Un écran de fumée ! En contrepartie de la hausse du seuil de revente à perte qui leur a été accordée, les industriels de l’agroalimentaire et la grande distribution s’étaient engagés à modérer leurs marges afin que les prix consentis aux agriculteurs soient plus rémunérateurs. L’analyse des données officielles montrent au contraire que cette promesse n’a pas été tenue, en particulier pour le lait, la viande bovine, les filets de poulet. Ainsi, alors que le prix agricole a diminué de 5%, le consommateur paie son lait UHT 4% de plus qu’en 2017. Donc, pas de ruissellement du surcoût payé par le consommateur vers les agriculteurs mais plutôt dans les poches des intermédiaires, dont un nombre important sont des coopératives où les syndicats agricoles majoritaires en détiennent la gouvernance. Les produits agricoles toujours achetés en dessous de leur prix de revient Il n’y a pas eu rééquilibrage des négociations commerciales. Au contraire ! La distribution et l’industrie n’ont, là aussi, pas tenu leur promesse. Et l’Etat ferme les yeux sur cette réalité. C’était pourtant le second engagement lors du discours de Rungis. Les demandes de L’UFC-Que Choisir Suite à ce constat implacable d’échec, notre association, rejointe par la Confédération Paysanne, demande au Gouvernement :
  • l’abandon immédiat du relèvement du seuil de revente à perte ;
  • la transparence totale sur les marges des industriels et des enseignes de la grande distribution par la publication des niveaux de marges nettes réalisées par chacun ;
  • la mise en œuvre effective du rééquilibrage des négociations commerciales, par la publication des conditions de négociations, par des contrôles officiels et l’application de sanctions dissuasives en cas de non-respect de la loi et des prix Producteurs en dessous des prix de revient ;
  • un dispositif pour déterminer des prix agricoles rémunérateurs en prenant en compte les efforts de montée en gamme des exploitants agricoles, sur la base de critères notamment sanitaires, environnementaux et nutritionnels.

Pierre Guillaume, responsable environnement

28 décembre 2019

Avec les consommateurs, l’UFC-Que Choisir dit stop aux chèques en blanc !

https://www.facebook.com/UFCquechoisir/videos/515320672348307/?t=54

Loi Alimentation : un chèque en blanc à la distribution de 1,6 milliard d’euros !

Deux ans après la promesse d’Emmanuel MACRON lors du discours de Rungis dans le cadre des Etats Généraux de l’Alimentation, de revaloriser le revenu agricole via l’augmentation du seuil de revente à perte (SRP), l’UFC-Que Choisir et la Confédération Paysanne condamnent amèrement, étude d’impact à l’appui, l’échec de la loi Alimentation. Alors que la hausse de 10 % du SRP inflige aux consommateurs une inflation qui devrait représenter selon nos calculs 1,6 milliard d’euros sur deux ans, le rééquilibrage des négociations commerciales tant attendu par les agriculteurs et promu par la loi n’a pas eu lieu : la grande distribution et l’industrie continuent d’imposer des prix agricoles en dessous des prix de revient à de nombreuses filières. Refusant tout à la fois cet inadmissible chèque en blanc des consommateurs à la grande distribution et le chèque en bois reçu par les agriculteurs, l’UFC-Que Choisir et la Confédération Paysanne demandent au Gouvernement l’abandon immédiat du relèvement du SRP et l’instauration d’un véritable rééquilibrage des négociations en faveur des acteurs agricoles.

Relèvement du SRP : un chèque en blanc de 1,6 milliard à la distribution !

Alors que les représentants de la grande distribution prétendent désormais que le relèvement du SRP n’aurait causé aucune inflation1, l’UFC-Que Choisir démontre au contraire que cette mesure a bel et bien déclenché une flambée des prix alimentaires. Sur la base d’une étude de prix réalisée sur la totalité des magasins des grandes enseignes2, il apparaît que les prix alimentaires ont subi lors de l’entrée en vigueur de la mesure (1er février 2019) une brutale augmentation de + 0,83 % en un mois seulement, plus particulièrement marquée dans les hypermarchés et sur les produits de grandes marques. Alors que la facture des ménages en alimentaire s’élève à 95 milliards d’euros par an, le relèvement du SRP se traduira par une hausse de 1,6 milliard d’euros.

Exemples de produits particulièrement touchés par l’inflation

Inflation de différents produits

Les promesses envolées de modération des marges

En contrepartie de la hausse du SRP qui leur a été accordée, les industriels et la grande distribution s’étaient engagés en 2017 à modérer leurs marges, afin que les prix consentis aux agriculteurs soient plus rémunérateurs. Mais notre analyse des données officielles3 sur le lait de consommation, la viande bovine et les filets de poulet montre que cette promesse n’a pas été tenue. Par exemple, pour le lait UHT, alors que depuis 2017 le prix revenant à l’éleveur a diminué de 5 %, la marge des distributeurs a au contraire augmenté de 8 %. Résultat : alors que le prix agricole a diminué, les consommateurs paient maintenant le lait 4 % plus cher. Dans le cas de la viande bovine et du poulet, si les prix agricoles ont pu bénéficier d’une légère augmentation, celle-ci est loin de rattraper les baisses subies avant 2017. Loin du « ruissellement » promis, les marges de l’industrie et de la distribution ont encore progressé plus fortement que les prix agricoles, entrainant une inflation supplémentaire injustifiée pour les consommateurs.

Des prix agricoles toujours en-dessous des prix de revient

Le deuxième engagement majeur formulé à Rungis était de rééquilibrer les négociations commerciales en partant des prix de revient. La Confédération Paysanne a constaté sur le terrain qu’à rebours de ces promesses, les prix de revient calculés par les organisations de producteurs n’ont jamais été pris en compte par la distribution ou l’industrie. Les producteurs ont subi au contraire un durcissement des négociations qui se traduit pour certaines productions par des prix d’achat encore en-dessous des prix de revient. Ainsi, le lait de vache est acheté 15 % en dessous du prix de production et la viande 14 %. En fruits et légumes, la grande distribution, profitant de la concurrence avec les productions importées bien moins cher, impose des tarifs inférieurs de 8 % au prix de revient pour les abricots, de 9 % pour les pêches blanches et de 3 % pour les tomates rondes bio4. Comment s’étonner de cette absence de rééquilibrage sachant que l’Etat ferme les yeux sur la vérité des négociations commerciales !

Ayant fait la démonstration que le relèvement du SRP n’est in fine qu’un cadeau à la grande distribution, en raison de la persistance de ses pratiques lors des négociations commerciales, la Confédération Paysanne et l’UFC-Que Choisir affirment qu’il est malgré tout possible de garantir des prix rémunérateurs aux agriculteurs tout en permettant une amélioration de la qualité de l’offre alimentaire au prix juste. A cet effet, les deux organisations demandent au Gouvernement :

  • L’abandon immédiat du relèvement du seuil de revente à perte ;
  • La transparence totale sur les marges des industriels et des enseignes de la grande distribution par la publication des niveaux de marges nettes réalisées par chacun ;
  • La mise en œuvre effective du rééquilibrage des négociations commerciales, par la publication des conditions de négociation, par des contrôles officiels et l’application de sanctions dissuasives en cas de non-respect de la loi et de prix producteurs en-dessous du prix de revient ;
  • Un dispositif pour déterminer des prix agricoles rémunérateurs prenant en compte les efforts de montée en gamme des exploitants, sur la base de critères notamment sanitaires, environnementaux et nutritionnels.

Lire l’étude

Publié le : 11/10/2019 par UFC-Que Choisir

 

13 octobre 2019

Projet de loi Agriculture et Alimentation * : un texte sans ambition, qui coûtera cher aux consommateurs

Dans les semaines à venir, les parlementaires vont reprendre leurs travaux d’examen de ce projet de loi et l’adopter définitivement après l’avoir plus ou moins modifié.

Notre avis sur ce projet

Globalement, c’est très décevant. La loi devrait être l’émanation des Etats Généraux de l’Alimentation qui ont eu lieu durant le second semestre 2017. Ils ont mobilisé tous les partenaires concernés, professionnels, société civile, services de l’Etat et collectivités pendant 35 000 heures ! Divers consensus s’en sont pourtant dégagés. Ils ont cependant été pour la plupart ignorés ! Cette loi devait aussi intégrer les promesses du Président de la République, concernant par exemple le glyphosate. Ce n’est malheureusement pas le cas ! C’est un projet sans grande ambition qu’ont voté les députés ! En revanche, cela va coûter très cher aux consommateurs.

Y aura-t-il une rétribution des agriculteurs par un juste prix d’achat de leurs produits ?

C’est l’un des buts de cette loi. Il est normal que les consommateurs y participent. Mais ceux-ci n’acceptent de payer plus cher que lorsque la qualité est présente. C’est le cas pour le Bio, les labels rouges, les produits AOC, par exemple. La mesure phare du gouvernement est de relever le seuil de vente à perte (SRP) de 10% sur les produits alimentaires. Le SRP est le prix en dessous duquel un produit ne peut être vendu. Mais les services de l’Etat ont eux-mêmes estimé la répercussion de cette mesure pour les consommateurs : 5 milliards d’euros par an ! C’est énorme ! En outre, il n’y a pas d’assurance que tout ou partie aille vers les agriculteurs. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation renvoie sur des engagements qui seraient pris volontairement dans les filières ! Mais le fait est que ce n’est pas dans la loi et quid du contenu de ces engagements ? Comme dans le passé, ce sont les intermédiaires, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution, qui vont être les grands gagnants.

Les trop rares avancées apportées à ce projet de loi

Des députés, y compris certains de la majorité, ont proposé en mai, lors des travaux en commission., des amendements pour la qualité de l’alimentation. Mais seulement quelques-uns ont été retenus en séance plénière, sous la pression du gouvernement, puis supprimés en juin par le Sénat. Vont-ils être réintroduits et être plus nombreux ?

Principaux exemples de ces amendements sur la sellette : 

– l’apposition de la mention « animal nourri avec des OGM », à partir de 2023 ;

– une information sur le nombre de traitement par des produits phytosanitaires ;

– pour les restaurants scolaires, au moins 50% de produits Bio ou de produits issus d’une agriculture respectueuse de l’environnement (mais c’est flou!) en 2022 ;

– la mise à disposition de doggy bags dans les restaurants pour emporter ses restes et lutter contre le gaspillage alimentaire.

Mais il n’y a malheureusement rien sur la suppression du glyphosate à l’horizon de 3 ans et la reconquête de la qualité de la ressource en eau.

Des mesures à caractères volontaires sont, comme d’habitude, proposées pour soit disant résoudre les problèmes d’environnement et de santé ! Mais cela fait 15 ans que les mêmes recettes inefficaces sont avancées.

Bilan à ce jour du projet de loi :

–  5 milliards d’euros de plus à payer par les consommateurs

– pas de transition agricole et alimentaire, demandée durant les Etats Généraux de l’Alimentation

–  aucune assurance d’une juste rémunération des agriculteurs

Espérons que la trêve estivale aura permis à nos parlementaires de prendre conscience des nombreuses insuffisances du projet de loi, et qu’ils seront amenés à le corriger fortement !

Rappel des demandes de l’UFC-Que Choisir

Au sein d’une plateforme citoyenne, constituée d’une cinquantaine d’associations, l’UFC-Que Choisir reprend ce qui est issu des Etats Généraux de l’Alimentation. A savoir :

–  la définition d’un prix abusivement bas, en dessous duquel l’industrie agroalimentaire, la grande distribution, ne pourront pas acheter de produits agricoles ;

– la mise en place d’un arbitrage public des relations commerciales ;

– surtout nous voulons la suppression du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) ;

– un soutien structurant à des filières et des dynamiques de Commerce Équitable « origine France », comme filières internationales, en tant que démarche permettant d’apporter aux consommateurs des garanties, vérifiées et tracées, sur la juste rémunération des producteurs ;

– la santé environnementale avec l’interdiction du glyphosate à 3 ans, l’encadrement des néonicotinoïdes, des perturbateurs endocriniens, des huiles minérales, des additifs, mais aussi des nanomatériaux dans l’alimentation. Malgré un rapport sans appel de l’IGAS, rien n’est fait pour interdire au plus vite les pesticides les plus dangereux dans la loi ;

– la protection des riverains des zones cultivées, en instaurant des zones sans pesticides de synthèse aux abords des habitations ;

– un meilleur étiquetage pour les consommateurs : mode d’élevage, nourri aux OGM, nombre de traitements pesticides, etc ;

– le renforcement de la sécurité sanitaire de notre alimentation, notamment en redonnant les moyens à l’Etat d’être plus efficace, en exigeant plus de transparence sur les contrôles, la prévention et la gestion des crises et en stoppant l’impunité des industriels grâce à des sanctions exemplaires ;

– les scandales de la viande de cheval, du Fipronil dans les œufs, du lait de Lactalys sont déjà oubliés par le gouvernement, les parlementaires, les lobbys professionnels ! La pression de ces derniers est plus importante que notre santé, notre environnement, notre pouvoir d’achat ;

– la réglementation de la publicité et du marketing qui ciblent les enfants pour des produits trop sucrés, trop gras, trop salés, à l’origine de plus en plus d’obésité ;

– des mesures efficaces, réglementaires et financières, pour une transition environnementale de notre agriculture, permettant par exemple l’atteinte d’une optimisation des actions de fertilisation azotée et de diminution drastique de l’emploi des pesticides.

Pierre Guillaume,  responsable environnement de l’UFC-Que Choisir de la Sarthe

* Le titre exact du projet de loi est : « loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et pour une alimentation saine, durable et accessible à tous ».

 

30 septembre 2018

Relèvement du seuil de revente à perte : danger pour le consommateur !

Durant les Etats Généraux de l’Alimentation (EGA), les représentants agricoles demandent le relèvement du seuil de revente à perte, une requête poussée par les industries agroalimentaires et la grande distribution.

Le seuil de revente à perte (SRP), c’est quoi ? C’est le prix auquel le distributeur achète le produit avant de le revendre. Il lui est interdit de le vendre aux consommateurs à un prix inférieur. Une hausse de 10% du seuil est demandée par la FNSEA et l’Ania (Association nationale des industries agroalimentaires).

En 1996, la loi Galland a mis en place l’interdiction de revendre en dessous du prix d’achat au fournisseur, c’est le seuil de revente à perte. Un système officieux s’est peu à peu installé. Les marges de la grande distribution ont ainsi augmenté de 54% entre 1996 et 2002.

La loi de modernisation de l’économie (LME) a été instaurée en 2008 pour stopper ces dérives. Avec pour objectif de permettre la négociation des prix afin de développer la concurrence. Son but final était de faire baisser les prix et ainsi, d’augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs. En réalité, un grand flou s’est installé autour de la fixation des prix.

Quant à la nouvelle loi demandée, nous ne sommes pas certains que les agriculteurs bénéficieront de cette augmentation des prix. Rien n’est prévu pour obliger les grandes et moyennes surfaces (GMS) à redonner ces 10% aux producteurs.

Mais évidemment, augmenter le prix de vente minimum conduira les GMS à augmenter leur prix, une mauvaise nouvelle pour les consommateurs. Dans une étude, l’UFC Que Choisir montre qu’une hausse de 15% du seuil de revente à perte (taux demandé initialement lors des EGA) conduirait à une perte 1,4 milliard € pour les consommateurs.

En réduisant de 70% le prix de la pâte à tartiner Nutella, Intermarché a provoqué de nombreuses scènes de bousculade en France. L’interdiction de vendre sous le seuil de revente à perte a certainement été franchie. Néanmoins, ce cas n’est pas unique, il arrive souvent de croiser des réductions de ce type : un acheté, le deuxième à moitié prix ou bien trois pour le prix d’un.

L’illégalité et le risque d’amende ne freinent pas les GMS. Le fait de vendre à perte un produit n’est pas inquiétant, le consommateur est attiré par les promotions. Mais une fois dans le magasin, il va aussi acheter d’autres produits, sans promotion cette fois. Ainsi, la perte provoquée par le produit en promotion est compensée par les achats additionnels du consommateur.

Pour plus d’informations sur ce sujet, vous pouvez aller lire l’article suivant.

Marie Chevalier, stagiaire communication

2 février 2018

Reforme du seuil de revente à perte : 1,4 Milliard d’euros de pouvoir d’achat ponctionnés inutilement

Après avoir déjà, fin août, publiquement craint que les Etats Généraux de l’Alimentation soient un simple habillage pour une augmentation généralisée des prix, l’UFC-Que Choisir, tirant les conséquences de la difficulté d’être entendue dans le cadre des Ateliers et des réactions outrancières à toute réserve ou opposition, rend publique ce jour son étude d’impact alarmante de la bien étrange proposition de la FNSEA de modifier le seuil de revente à perte. Alors que la dernière réunion de l’Atelier sur les relations commerciales doit se tenir cet après-midi et en discuter, l’association dévoile, chiffres et bilan à l’appui, son constat accablant : si le bénéfice de cette proposition pour les producteurs est plus qu’incertain, l’impact pour les consommateurs sera lui immédiat et colossal !

En effet, les Etats Généraux de l’Alimentation discutent aujourd’hui même d’un éventuel relèvement du seuil de revente à perte, c’est-à-dire du prix en-dessous duquel un distributeur a l’interdiction de revendre un produit. Fortement soutenue par des organisations d’agriculteurs (à commencer par la FNSEA), de gros industriels et la majeure partie des distributeurs, cette proposition est avancée sans jamais se poser la question, pourtant centrale, de son impact inflationniste. Pourtant expérience passée et chiffres d’aujourd’hui ne laissent place à aucun doute.

Dès 2018, 1,4 milliard d’euros de ponction sur les consommateurs
Les promoteurs de la mesure peuvent tenter de noyer le poisson, il n’en reste pas moins que, par définition, augmenter le prix de vente minimal auquel il est permis de revendre un produit conduira… à une hausse des prix. Celle-ci concernera d’abord les produits de grande marque, qui servent de produit d’appel aux distributeurs et sont donc régulièrement vendus à marge faible. Un relèvement de 15 % du seuil de revente à perte (SRP), comme évoqué, se traduirait dès 2018, selon nos analyses, par une hausse des prix de 1,4 milliard d’euros, soit + 2,4 % sur les rayons concernés1. Loin d’être une vue de l’esprit, cet effet inflationniste ressort d’ailleurs des précédentes réformes, malicieusement passées sous silence… En effet, la dernière période de relèvement du SRP en France, sous la loi Galland (entre 1996 et 2006-2008), avait conduit à une inflation des produits alimentaires 8 points plus élevée en France que dans les autre pays d’Europe de l’Ouest.

Quel rapport entre le shampoing et les revenus agricoles ? 
21,5 % des dépenses des ménages en produits de grande consommation, touchés par cette proposition, sont sans lien avec la production agricole (produits d’entretien, d’hygiène-beauté, ou encore les eaux et sodas). A l’inverse, les produits agricoles non transformés (fruits et légume, viande, poisson), vendus à des niveaux de marge déjà élevés, ne seraient en rien concernés par la mesure. Bref, ce n’est pas en payant plus cher les cotons-tiges, eau minérales et mousses à raser que l’on va abonder le revenu des agriculteurs.

Des retombées économiques très hypothétiques pour les agriculteurs

Même dans le cas des produits transformés alimentaires, il est douteux que les agriculteurs bénéficient de cette inflation. Car obliger les distributeurs à vendre plus cher ne garantit en rien qu’ils achèteront plus cher à leurs fournisseurs ! L’expérience de la loi Galland est révélatrice : l’inflation était d’abord venue nourrir les marges de la grande distribution, qui avaient augmenté de près de 54 % entre 1996 et 2002.

Et même dans l’hypothèse où les distributeurs achèteraient plus cher leurs produits aux industriels, les agriculteurs seraient encore loin du compte. Il faudrait alors compter sur la bonne volonté des gros industriels de l’agroalimentaire pour augmenter d’eux-mêmes leurs prix d’achat des matières premières agricoles (qui ne sont d’ailleurs pas toujours françaises). Le fantasme de la percolation jusqu’aux agriculteurs, agitée par certains, repose donc sur un double pari, pour ne pas dire une double naïveté : que les distributeurs d’abord, les gros industriels ensuite, acceptent sans que rien ne les y contraigne à diminuer leurs profits pour augmenter le revenu agricole. Aujourd’hui, les seuls gagnants assurés de la réforme sont les industriels et la distribution.

A s’arc-bouter sur les veilles recettes qui n’ont pas fait leur preuve, il ne faudrait pas rater une occasion d’avancer vers de nouveaux modèles réellement créateurs de valeur pour tous.

Décidée à ce que les voix dissonantes puissent enfin être entendues, l’UFC-Que Choisir demande donc aujourd’hui publiquement au Président de la République qui doit s’exprimer dans les prochains jours, de ne pas avancer aveuglement sur une proposition à l’impact négatif certain pour les consommateurs et aux bénéfices plus qu’hypothétiques pour les producteurs agricoles.

Retrouvez cet article et l’analyse complète et méthodologie disponibles dans la note jointe sur quechoisir.org

Action UFC-Que Choisir publiée le 29/09/2017

30 septembre 2017