UFC-QUE CHOISIR DE LA SARTHE

Marge de la grande distribution

Inflation alimentaire : Il est urgent d’en finir avec les profits opaques des industriels et des distributeurs, exigent foodwatch, Familles Rurales, UFC-Que Choisir et la CLCV

À un mois de Noël, foodwatch, Familles Rurales, l’UFC-Que Choisir et la CLCV dénoncent le scandale du système à deux vitesses qui se cache derrière la flambée des prix alimentaires. D’un côté, des millions de personnes sont confrontées à l’insécurité alimentaire en France. De l’autre, certains profitent de la crise : la marge de l’industrie agroalimentaire a atteint un niveau historique de 48 % et celle de la grande distribution a elle aussi augmenté sur certains rayons de première nécessité comme les pâtes, les légumes ou encore le lait. Le tout dans un climat d’opacité inacceptable sur la construction des prix. Face à cette situation intolérable, nos quatre associations de défense des consommateurs exigent que les pouvoirs publics imposent la transparence totale sur les marges réalisées par produit par chaque acteur de la chaîne alimentaire. Il est aussi indispensable qu’ils prennent des mesures concrètes pour empêcher l’explosion des marges, particulièrement sur les produits alimentaires sains et durables. Nous avons besoin de garde-fous. Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont promis de s’y attaquer. Les Françaises et Français qui peinent à se nourrir ne peuvent plus attendre.

Aggravée par une inflation de plus de 20 % en 2 ans sur les produits alimentaires, la précarité alimentaire frappe de plein fouet des millions de personnes et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Face à la flambée des prix, près d’un Français sur trois (29 %) déclare devoir sauter un repas par manque d’argent et 43 % (55 % en milieu rural) affirment avoir déjà renoncé à acheter des aliments et produits alimentaires, faute de moyens, selon une étude de Familles Rurales de juin 2023.

Pendant ce temps, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution augmentent leurs marges et profits, aggravant l’inflation. Un point souligné en France par le président de l’Autorité de la concurrence qui alertait déjà en juin : « Deux tiers de l’inflation dans la zone euro viennent des profits des entreprises ».

Pour foodwatch, Familles Rurales, l’UFC-Que choisir et la CLCV, « les géants de l’industrie agroalimentaire et de la distribution ne doivent plus pouvoir profiter de l’opacité sur leurs marges, qu’ils entretiennent, pour faire des profits au mépris du droit à une alimentation choisie, saine et durable. »

Industriels et enseignes de la grande distribution n’ont cessé de se renvoyer la responsabilité des additions salées des caddies alimentaires ces derniers mois. Il est désormais clair que les deux profitent de la crise sur le dos des consommateurs et des consommatrices.

  • La marge brute de l’industrie agroalimentaire est passée de 28 à 48 % entre fin 2021 et le 2e trimestre de 2023 : un niveau historique qui laisse penser qu’il ne s’agit pas d’un simple rattrapage des années précédentes (on entend souvent parler de « reconstitution de marges ») mais d’une véritable constitution de surmarges !

Unilever, par exemple, groupe qui commercialise notamment une trentaine de grandes marques en France dont Carte d’Or, Knorr, Magnum, Maïzena, Maille, a atteint un bénéfice net de 7,6 milliards en 2022, en progression de 26 % sur un an. Sur le premier semestre 2023, il a encore progressé de plus de 20 %.

  • La grande distribution profite, elle, triplement de l’inflation. Elle bénéficie déjà depuis 2019 d’une marge minimale garantie, grâce à la loi Egalim : le seuil de revente à perte (SRP) de +10%. Malgré la crise actuelle, cette mesure vient d’être prolongée, ajoutant de l’inflation à l’inflation. L’UFC-Que Choisir a démontré en 2019 que cette mesure anticonsumériste représentait sur une période de deux ans une hausse du budget alimentation des ménages de 1,6 milliard d’euros, affectant notamment les produits les plus achetés par les consommateurs modestes.

À la demande expresse des industriels, l’officiel Observatoire de la Formation des prix et des Marges des produits alimentaires (OFPM) ne publie que les marges moyennes réalisées par l’ensemble des acteurs et par grandes familles d’aliments, empêchant ainsi de connaître la marge réalisée sur un produit par chaque maillon de la chaîne jusqu’au distributeur. Malgré ce manque de précision délibéré, les chiffres de l’OFPM révèlent que la grande distribution a augmenté ses marges en 2022 sur des produits de première nécessité tels que les produits laitiers (lait, certains fromages), les pâtes, les fruits et les légumes.

Enfin, elle a aussi profité de la tendance de nombreux consommateurs à se rabattre sur plus de produits de marque de distributeurs (MDD), gagnant ainsi des parts de marché.

Même les institutions financières telles que le Fonds Monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne tirent la sonnette d’alarme sur ces profits excessifs et une augmentation des prix bien au-delà de ce que leurs coûts de production n’exigent. Pour que ces institutions alertent, c’est vraiment que la maison brûle.

Une inflation et des marges excessives aux dépens des produits les plus sains et durables ?

Le peu de transparence laisse craindre le pire : des marges excessives en catimini sur les rayons les plus sains (les fruits et légumes, le bio…etc.), pour compenser des rayons moins rentables et des produits d’appels à marges plus faibles. Ainsi, Familles Rurales a révélé dans son Observatoire des prix des fruits et légumes de 2023 une augmentation des prix de 16 % de leur panier conventionnel composé de 19 fruits et de légumes en un an, soit 3,5 fois plus que l’inflation générale.

L’association explique : « En 2021, c’est notamment grâce aux bénéfices du rayon fruits et légumes : + 247 millions d’euros après impôts, que la grande distribution a couvert les pertes de son rayon boulangerie / pâtisserie : – 65 millions d’euros, où est la logique ? ».

« Pour les personnes les plus précaires, c’est la double peine : elles paient un prix encore plus fort, car plus les budgets sont serrés, plus la qualité nutritionnelle de l’alimentation est difficile et contrainte. Aujourd’hui, avec l’inflation, les produits les plus sains, dont les fruits et les légumes, deviennent de plus en plus inaccessibles pour des millions de personnes. C’est inadmissible », soulignent les quatre organisations.

Face à l’urgence de l’inflation incontrôlée et de la précarité alimentaire grandissante, foodwatch, Familles Rurales, UFC-Que Choisir et CLCV s’adressent au Président de la République dans une lettre ouverte afin d’exiger :

  • L’obligation de transparence totale et immédiate sur les marges nettes par produits réalisées par les géants de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution ;
  • Des mesures concrètes pour rendre impossibles les marges excessives sur les produits alimentaires essentiels, sains et durables, tant par les industriels que par la grande distribution – à commencer par ceux recommandés par le Programme National Nutrition Santé (PNNS), comme les produits bruts, les fruits et légumes, les légumineuses et les produits céréaliers, notamment issus de culture bio ;
  • La suppression de la marge minimale garantie de 10 % pour la grande distribution (seuil de revente à perte : SRP +10)

Nos associations lancent aussi une pétition, pour que les Françaises et Français puissent se mobiliser collectivement et soutenir massivement ces demandes.

Rappelons que le Président de la République s’est engagé dans une interview télévisée du 24 septembre 2023 : « Personne ne doit profiter de cette crise. (…) On va mettre en place – et je vais y veiller personnellement – un accord sur la modération des marges dans tout le secteur [alimentaire] ».

Une ligne de conduite confirmée par le ministre de l’Économie dans une interview le 27 septembre, affirmant : « Nous veillerons, c’est ce qu’a demandé le Président de la République, à ce que les marges soient raisonnables. (…) C’est le rôle de l’État de garantir l’ordre public, économique, qu’il n’y a pas de profits qui soient excessifs, de rentes faites par certains et que l’argent soit rendu aux consommateurs ».

Sources

3 décembre 2023

Reforme du seuil de revente à perte : 1,4 Milliard d’euros de pouvoir d’achat ponctionnés inutilement

Après avoir déjà, fin août, publiquement craint que les Etats Généraux de l’Alimentation soient un simple habillage pour une augmentation généralisée des prix, l’UFC-Que Choisir, tirant les conséquences de la difficulté d’être entendue dans le cadre des Ateliers et des réactions outrancières à toute réserve ou opposition, rend publique ce jour son étude d’impact alarmante de la bien étrange proposition de la FNSEA de modifier le seuil de revente à perte. Alors que la dernière réunion de l’Atelier sur les relations commerciales doit se tenir cet après-midi et en discuter, l’association dévoile, chiffres et bilan à l’appui, son constat accablant : si le bénéfice de cette proposition pour les producteurs est plus qu’incertain, l’impact pour les consommateurs sera lui immédiat et colossal !

En effet, les Etats Généraux de l’Alimentation discutent aujourd’hui même d’un éventuel relèvement du seuil de revente à perte, c’est-à-dire du prix en-dessous duquel un distributeur a l’interdiction de revendre un produit. Fortement soutenue par des organisations d’agriculteurs (à commencer par la FNSEA), de gros industriels et la majeure partie des distributeurs, cette proposition est avancée sans jamais se poser la question, pourtant centrale, de son impact inflationniste. Pourtant expérience passée et chiffres d’aujourd’hui ne laissent place à aucun doute.

Dès 2018, 1,4 milliard d’euros de ponction sur les consommateurs
Les promoteurs de la mesure peuvent tenter de noyer le poisson, il n’en reste pas moins que, par définition, augmenter le prix de vente minimal auquel il est permis de revendre un produit conduira… à une hausse des prix. Celle-ci concernera d’abord les produits de grande marque, qui servent de produit d’appel aux distributeurs et sont donc régulièrement vendus à marge faible. Un relèvement de 15 % du seuil de revente à perte (SRP), comme évoqué, se traduirait dès 2018, selon nos analyses, par une hausse des prix de 1,4 milliard d’euros, soit + 2,4 % sur les rayons concernés1. Loin d’être une vue de l’esprit, cet effet inflationniste ressort d’ailleurs des précédentes réformes, malicieusement passées sous silence… En effet, la dernière période de relèvement du SRP en France, sous la loi Galland (entre 1996 et 2006-2008), avait conduit à une inflation des produits alimentaires 8 points plus élevée en France que dans les autre pays d’Europe de l’Ouest.

Quel rapport entre le shampoing et les revenus agricoles ? 
21,5 % des dépenses des ménages en produits de grande consommation, touchés par cette proposition, sont sans lien avec la production agricole (produits d’entretien, d’hygiène-beauté, ou encore les eaux et sodas). A l’inverse, les produits agricoles non transformés (fruits et légume, viande, poisson), vendus à des niveaux de marge déjà élevés, ne seraient en rien concernés par la mesure. Bref, ce n’est pas en payant plus cher les cotons-tiges, eau minérales et mousses à raser que l’on va abonder le revenu des agriculteurs.

Des retombées économiques très hypothétiques pour les agriculteurs

Même dans le cas des produits transformés alimentaires, il est douteux que les agriculteurs bénéficient de cette inflation. Car obliger les distributeurs à vendre plus cher ne garantit en rien qu’ils achèteront plus cher à leurs fournisseurs ! L’expérience de la loi Galland est révélatrice : l’inflation était d’abord venue nourrir les marges de la grande distribution, qui avaient augmenté de près de 54 % entre 1996 et 2002.

Et même dans l’hypothèse où les distributeurs achèteraient plus cher leurs produits aux industriels, les agriculteurs seraient encore loin du compte. Il faudrait alors compter sur la bonne volonté des gros industriels de l’agroalimentaire pour augmenter d’eux-mêmes leurs prix d’achat des matières premières agricoles (qui ne sont d’ailleurs pas toujours françaises). Le fantasme de la percolation jusqu’aux agriculteurs, agitée par certains, repose donc sur un double pari, pour ne pas dire une double naïveté : que les distributeurs d’abord, les gros industriels ensuite, acceptent sans que rien ne les y contraigne à diminuer leurs profits pour augmenter le revenu agricole. Aujourd’hui, les seuls gagnants assurés de la réforme sont les industriels et la distribution.

A s’arc-bouter sur les veilles recettes qui n’ont pas fait leur preuve, il ne faudrait pas rater une occasion d’avancer vers de nouveaux modèles réellement créateurs de valeur pour tous.

Décidée à ce que les voix dissonantes puissent enfin être entendues, l’UFC-Que Choisir demande donc aujourd’hui publiquement au Président de la République qui doit s’exprimer dans les prochains jours, de ne pas avancer aveuglement sur une proposition à l’impact négatif certain pour les consommateurs et aux bénéfices plus qu’hypothétiques pour les producteurs agricoles.

Retrouvez cet article et l’analyse complète et méthodologie disponibles dans la note jointe sur quechoisir.org

Action UFC-Que Choisir publiée le 29/09/2017

30 septembre 2017

Crise agricole et intérêts des consommateurs : lettre ouverte à Mme La Préfète de la Sarthe

Le Mans, le 29 janvier 2016

Madame la Préfète de la Sarthe

Actuellement, les agriculteurs manifestent pour des problèmes concernant leurs revenus.
Ils exigent une augmentation des prix à la production. « Des prix, pas de subventions », peut-on lire sur les banderoles.

L’UFC-Que Choisir dans une étude réalisée en 2009 avait déjà constaté et dénoncé un écart anormal, depuis le début des années 2000, entre les courbes des prix à la production et des prix à la consommation. Ceci perdure. Nous avons démontré que pour un steak haché de 125 g le prix était resté stable pour le consommateur entre 2013 et 2014, que pendant le même temps le prix de vente éleveur avait baissé de 8 %, que les marges brutes de l’industrie avaient baissé de 1,2 %  alors que celles de la distribution avaient augmenté de 15 %.

Pour mémoire ce prix de vente éleveur était en moyenne légèrement inférieur au prix de revient, en clair il ne permet pas actuellement aux éleveurs de dégager un bénéfice ! La marge de la grande distribution a donc augmenté à la faveur de la baisse des prix agricoles, privant ainsi les consommateurs et les éleveurs des effets de cette baisse !

Dans ce contexte, les consommateurs Que Choisir de la Sarthe, tiennent à vous informer que, dans une enquête auprès de 32 000 consommateurs réalisée en 2015, l’alimentation arrive en 3e  position sur le podium de leurs préoccupations. La traçabilité de leurs aliments est réclamée par 73 % d’entre eux, y compris sur les produits transformés. Ils sont favorables à une agriculture respectueuse de leur environnement pour 65 % d’entre eux.

Les consommateurs réclament le droit à une information fiable, la transparence sur les prix et la sécurité des aliments. Ils sont un partenaire économique à part entière et veulent en conséquence être informés et consultés sur d’éventuelles ententes sur les prix qui se feraient à leur détriment.

En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à cette demande, veuillez croire, Madame la Préfète, en l’assurance de ma parfaite considération.

Evelyne Gaubert

Présidente de l’UFC-Que Choisir de la Sarthe

7 février 2016