Alors que le gouvernement se réjouit du « formidable succès » du plan France Très Haut Débit, l’UFC-Que Choisir rend publique aujourd’hui une étude montrant que non seulement près de 12 millions de consommateurs n’ont toujours pas accès au véritable très haut débit, mais qu’en plus le déploiement anarchique de la fibre optique ne résout pas la situation, voire aggrave le problème. En conséquence, l’association exige des pouvoirs publics de renforcer sans délai la régulation du secteur et les droits des consommateurs, notamment en établissant un droit opposable à un Internet de qualité pour tous.
Près d’un foyer sur cinq encore privé d’un véritable très haut débit
Le plan France Très Haut Débit, lancé en 2013, prévoyait que tous les Français puissent bénéficier d’un accès à Internet en très haut débit (un débit supérieur à 30 Mbit/s) à la fin de l’année 2022. Si les chiffres officiels montrent que l’objectif a été atteint, l’étude de l’UFC-Que Choisir oblige cependant à atténuer le satisfecit du Gouvernement. En effet, pour 17,2 % des foyers (soit 11,8 millions de personnes) l’accès à ce très haut débit n’est possible qu’en souscrivant des offres utilisant des technologies hertziennes (4G fixe, THD radio) ou satellitaires. Or, il s’agit de technologies de second ordre par rapport aux offres utilisant les réseaux filaires traditionnels (fibre, VDSL, câble).
Effectivement, notre inventaire des offres du marché met en lumière le fait que les offres non filaires sont rationnées en termes de volume de données utilisables, voire ne proposent pas de services courants comme l’accès à la télévision. En outre, avec ces technologies, les débits peuvent s’effondrer en fonction des conditions météorologiques ou du nombre d’utilisateurs utilisant simultanément Internet. Les usages permis par le très haut débit sont même parfois tout simplement impossibles, comme ceux nécessitant une bonne latence (visioconférences, jeux en ligne…), qui est plus de 50 fois plus élevée par le satellite que via la fibre optique. Bref, ces offres ne sont qu’un très haut débit « au rabais ». Le comble, c’est qu’elles sont aussi plus chères, que ce soit du fait de l’abonnement ou via l’achat ou la location de matériels spécifiques.
La persistance d’une fracture territoriale
L’analyse de l’éligibilité au très haut débit selon la technologie et les territoires permet également de souligner la persistance de la fracture numérique géographique. Ainsi, en ne prenant en compte que les technologies filaires, l’inéligibilité à une offre en très haut débit frappe plus de 20 % des consommateurs dans 45 départements et touche même plus de la moitié des habitants dans trois départements : les Côtes-d’Armor (52,1 %), l’Ardèche (53,5 %) et Mayotte (60,9 %).
Plus globalement, ce sont les départements les plus ruraux qui sont les principales victimes de la fracture numérique. Près d’un tiers (32,6 %) des 8,8 millions d’habitants des communes de moins de 1 000 habitants ne disposent pas d’une connexion à Internet en très haut débit. Pire, 18,4 % des habitants de ces communes ne disposent même pas du « bon haut débit » (8 Mbit/s) promis en 2017 par le Président de la République, et 10,1 % sont tout simplement privés d’un Internet de qualité ne serait-ce que minimale (3 Mbit/s).
Le déploiement de la fibre optique est source de nombreux litiges
Si les victimes de la fracture numérique attendent impatiemment l’arrivée de la fibre optique, notre étude met en évidence qu’elle est loin de toujours être salvatrice. L’analyse de plus de 500 litiges traités en 2022 par les associations locales de l’UFC-Que Choisir montre en effet l’étendue des problèmes rencontrés par les consommateurs ayant souscrit un tel abonnement : rendez-vous de raccordement non honorés à plusieurs reprises, refus de réalisation de travaux de génie civil permettant un raccordement effectif, dégradations du bâti, malfaçons techniques rendant l’usage d’Internet impossible, débranchements sauvages d’autres raccordements, etc.
Les témoignages recueillis par l’UFC-Que Choisir ne constituent que la partie émergée de l’iceberg des dysfonctionnements massifs des raccordements à la fibre optique puisque même la fédération représentant la filière de l’infrastructure numérique estime qu’entre 15 % et 20 % des raccordements connaissent des problèmes techniques, soit plusieurs centaines de milliers par an. Alors que ces problèmes sont connus depuis des années, leur persistance démontre la permissivité du cadre légal du déploiement de la fibre et une forme d’indifférence et de complaisance des pouvoirs publics.
Cette situation est d’autant plus déplorable que les consommateurs n’ont que peu de moyens pour presser les fournisseurs d’accès à Internet à faire diligence pour résoudre leur problème. Dès lors, ils peuvent subir une double peine : en plus de ne pas avoir accès à Internet, ils ont malgré tout à s’acquitter de plusieurs centaines d’euros auprès des opérateurs (abonnement, frais de résiliation, etc.).
Déterminée à lutter contre la fracture numérique et n’acceptant pas que de nombreux consommateurs soient toujours privés d’un véritable accès au très haut débit, l’UFC-Que Choisir exige des pouvoirs publics qu’ils :
- Créent un droit opposable à un accès à Internet de qualité, basé à la fois sur la détermination par la loi de débits minimaux dont doivent bénéficier les consommateurs, et sur les indemnisations dont ils devraient bénéficier si ces débits ne sont pas atteints ;
- Permettent aux consommateurs de résilier sans frais leur abonnement en cas d’échec de raccordement ou d’interruption du service ;
- Interdisent le prélèvement des frais d’abonnement et instaurent des indemnités automatiques en cas d’interruption prolongée ou récurrente du service.
Par ailleurs, l’UFC-Que Choisir rappelle qu’elle met gratuitement à la disposition des consommateurs sur son site un test de débit permettant de tester la qualité réelle de leur connexion à Internet.
UFC-Que Choisir