Près d’un an après le lancement de l’indice de réparabilité, censé lutter contre le gaspillage en encourageant l’achat de produits plus réparables, l’UFC-Que Choisir tire la sonnette d’alarme. Notre analyse démontre que l’indice pèche tant dans sa construction par les pouvoirs publics que dans sa diffusion par les distributeurs. L’Association demande une réforme de l’indice de réparabilité afin qu’il puisse être un véritable outil, utile pour orienter les achats des consommateurs. Une révision s’impose !

La réparabilité : une information capitale pour les consommateurs et l’environnement

Seulement un tiers des 16 millions d’appareils de gros électroménagers tombés en panne chaque année sont réparés, un taux analogue à celui constaté sur l’ensemble des appareils électriques et électroniques. L’achat d’un équipement neuf pour remplacer un appareil défectueux reste la solution adoptée par la majorité des consommateurs, avec les impacts écologiques néfastes que cela entraîne pour l’environnement (appareils mis au rebus, consommation de ressources pour fabriquer et transporter les produits neufs) et pour les consommateurs (dépenses prématurées et inconforts).

Entré en vigueur le 1er janvier 2021, l’indice répond au double objectif d’encourager l’achat de produits plus réparables et d’inciter les fabricants à l’écoconception en affichant une note sur dix au moment de choisir son équipement. Appelé à devenir un véritable critère d’achat, il est aujourd’hui déployé sur 5 catégories de produits : les lave-linges, les ordinateurs portables, les smartphones, les téléviseurs et les tondeuses (1). L’indice sera étendu à d’autres familles et d’autres critères pour devenir un indice de durabilité à partir de 2024, et pourrait inspirer un indice retenu à l’échelle européenne. Pour autant, l’analyse de l’UFC-Que Choisir sur 330 produits et 9 sites de vente en ligne souligne que l’indice de réparabilité, pourtant bienvenu, est, en l’état, loin de constituer une information pertinente.

Une méthode calcul bancale, nuisant à une bonne comparaison des produits

Cet indice, calculé par les constructeurs, repose sur une grille standardisée articulée autour de 5 critères (documentation, facilité de démontage, disponibilité des pièces détachées, leur prix et un critère spécifique à la famille de produit). Chaque critère pèse curieusement le même poids dans la note finale, au détriment de critères déterminants tels que la disponibilité des pièces détachées. Cette construction aboutit à des absurdités. Par exemple, alors que les smartphones et les téléviseurs obtiennent une note inférieure à la moyenne sur le critère de disponibilité des pièces détachées, respectivement 4,8/10 et 3,1/10, ces familles affichent des indices de réparabilité élogieux de 7,2/10 et 6,6/10 (2).

L’indice de réparabilité semble ainsi avoir été bâti pour donner aux fabricants un satisfecit artificiel sur la réparabilité de leurs produits en leur offrant sur un plateau des points pour des critères mineurs, ou alors très largement déjà appliqués (possibilité de réinitialiser le logiciel pour les ordinateurs portables, par exemple). Pire, les fabricants peuvent gonfler l’indice de réparabilité de leurs produits en se contentant simplement d’appliquer la loi… C’est notamment le cas des fabricants de lave-linges, qui peuvent répercuter sur la note de l’indice de réparabilité le simple fait de répondre à leur obligation légale d’assurer la disponibilité de pièces de rechange pendant au moins 10 ans.

Une réglementation sur l’affichage majoritairement non appliquée par les vendeurs

Une grande majorité de vendeurs en ligne ne répondent pas encore à leur obligation d’afficher l’indice de réparabilité : seuls 42 % des produits sont mis en vente avec le logo visible à proximité du prix (3). Ainsi Leroy-Merlin (100 %) ou Boulanger (95 %) font figure de bons élèves, quand d’autres comme Amazon (22 %) ou Carrefour (0 %) n’ont dans le meilleur des cas qu’une considération toute relative de leur obligation légale (4). Comment s’en étonner, alors que les contrôles officiels pour vérifier le bon respect de la loi ne débuteront qu’à partir du 1er janvier 2022 ?

La réglementation impose également aux distributeurs de mettre la grille de calcul à disposition des consommateurs qui en font la demande, tout en leur laissant le champ libre quant au canal de diffusion. Mais la comparaison au moment de l’achat sur le critère de la réparabilité ne sera possible que si l’indice est bien affiché d’une part, et si la grille est aisément accessible d’autre part (par exemple par un logo cliquable). Seuls 28 % des produits répondent à cette double condition (5). Charge sinon aux consommateurs de chercher par eux-mêmes cette grille sur le site du fabricant, où elle est parfois reléguée sur une page difficile d’accès, ou d’en faire la demande auprès du vendeur, du fabricant ou de l’importateur sans grande chance de succès. Seules 10 % de nos demandes aux fabricants ont abouti à récupérer la grille de notation. Les demandes aux vendeurs sont toutes restées stériles.

Face au constat d’une défaillance tant sur l’élaboration que l’affichage de l’indice de réparabilité, l’UFC-Que Choisir demande aux pouvoirs publics :

  • De réviser la construction de l’indice de réparabilité afin qu’il reflète réellement l’aptitude d’un produit à être réparé ;

  • D’imposer aux vendeurs de rendre la grille de notation directement accessible aux consommateurs.