UFC-QUE CHOISIR DE LA SARTHE

Télécom / Numérique

Rémunération pour copie privée sur le reconditionné – Aux députés d’empêcher une aberration économique et écologique

Alors que la proposition de loi pour réduire l’empreinte carbone du numérique sera discutée jeudi à l’Assemblée nationale, les Organismes de gestion collective font un lobbying effréné pour taxer les téléphones portables et les tablettes reconditionnés, au titre de la rémunération pour copie privée. Refusant ce coup de canif au développement de l’économie circulaire et au pouvoir d’achat des consommateurs les plus défavorisés, l’UFC-Que Choisir demande aux députés de s’y opposer. De plus, l’association attaque devant le Conseil d’Etat la décision de la Commission pour la copie privée établissant les barèmes des téléphones mobiles et tablettes reconditionnés.

Une hausse jusqu’à 10 % du prix des smartphones d’entrée de gamme

L’analyse par l’UFC-Que Choisir des prix de plus de 3 000 smartphones reconditionnés (1) met en évidence que le prix médian de vente de ces terminaux est de l’ordre de 190 €, ce qui montre que le public visé par ces produits est loin d’être celui en mesure de débourser jusqu’à plus de 1 000 € pour un smartphone neuf ! Comme la taxe pour copie privée frappe les appareils indifféremment selon leur prix de vente, l’effet inflationniste serait d’autant plus violent pour les consommateurs modestes.

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Ainsi, si les montants envisagés (2) feraient augmenter de 10 % le prix des téléphones reconditionnés les moins chers, leur effet serait moins sensible pour les téléphones reconditionnés haut de gamme (entre 1 et 2 % d’augmentation) (3).

Un coup de canif au développement de l’économie circulaire

Plus largement, les hausses de prix sur l’ensemble des téléphones mobiles et tablettes multimédia reconditionnés porteraient atteinte au développement de l’économie circulaire. En effet, les produits reconditionnés subiraient mécaniquement une perte de compétitivité face aux produits neufs et donc une perte d’attractivité. Les consommateurs seraient alors davantage enclins à se tourner vers le neuf. Or, comme la récemment rappelé l’ADEME (4), la production et la distribution des smartphones ont des impacts environnementaux, sociaux et sanitaires considérables (épuisement des ressources, atteintes à la biodiversité, émissions de gaz à effet de serre…). Il serait donc paradoxal qu’un texte de loi visant à réduire l’empreinte carbone du numérique permette au contraire de la renforcer en contraignant l’essor de la vente de produits reconditionnés !

La grosse goutte d’eau qui ferait (davantage) déborder le vase de la copie privée

Ces hausses des prix des biens reconditionnées seraient d’autant moins acceptables que les barèmes appliqués aux téléphones portables et aux tablettes neufs sont déjà en France parmi les plus élevés en Europe. A titre d’exemple, sur un téléphone portable d’une capacité de 32 Go la rémunération pour copie privée est en France de 10 €, contre 6,25 € en Allemagne, 5,20 € en Italie ou encore 1,10 € en Espagne (5), pays qui, qui plus est, n’appliquent pas la rémunération pour copie privée sur les appareils reconditionnés.

Conséquence de cette « voracité » des ayants droit dans notre pays : les consommateurs français paient en moyenne 76 % de plus que la moyenne européenne (6). Comment s’en étonner, alors que la Commission pour la copie privée est cousue main pour défendre les intérêts des ayants droit (7) et qu’elle impose aux consommateurs des barèmes de taxation établis sur la base d’études d’usages à la fois obscures – car non rendues publiques – et datées, et donc impropres à prendre compte des évolutions rapides des usages, comme le recours au streaming audio ?

Soucieuse de permettre un développement de l’économie circulaire ainsi que d’assurer aux consommateurs que la rémunération pour copie privée ne compense rien d’autre qu’un préjudice réellement supporté par les ayants droit, l’UFC-Que Choisir :

  • Appelle les députés à confirmer dans la loi pour réduire l’empreinte carbone du numérique que les appareils reconditionnés ne sont pas assujettis à la rémunération pour copie privée ;

  • Soutient sans réserve l’amendement du député Éric Botherel – adopté à l’unanimité par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale – obligeant le gouvernement à faire la transparence sur le fonctionnement actuel du mécanisme de la rémunération pour copie privée.

En outre, l’UFC-Que Choisir annonce aujourd’hui qu’elle saisit le Conseil d’Etat aux fins d’annulation de la décision n22 de la Commission pour la copie privée, établissant les barèmes des téléphones mobiles et tablettes reconditionnés.

UFC-Que Choisir

 


(1) Analyse des prix effectuée le 3 juin 2021 sur différents sites internet spécialisés dans la vente de smartphones reconditionnés.

(2) Decision_n22_Adoptee_1_juin_2021.pdf (copiefrance.fr)

(3) Nous arrondissons ici les chiffres. Pour la précision, les barèmes considérés ici sont de 4,80 € HT pour le téléphone d’une capacité de 16 Go et de 8,40 € HT pour les téléphones d’une capacité supérieure ou égale à 64 Go. Nous ajoutons à ces prix la TVA.

(4) Impacts du smartphone (Les) – La librairie ADEME

(5) Comparaison établie à partir des barèmes en vigueur en 2019 (cf. New Private Copying Global Study shows potential for better remuneration of rightsholders | CISAC).

(6) 4,14 € en France par habitant, contre 2,35 € pour la moyenne européenne (cf. étude supra).

(7) Comme l’UFC-Que Choisir a pu le mettre en évidence dans son étude de 2014 (Copie Privée – Le vrai préjudice… des consommateurs français ! – Action UFC-Que Choisir – UFC-Que Choisir). Si les règles édictant le fonctionnement de la Commission ont très légèrement évolué depuis, les principaux constats alors émis perdurent.

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