Dans le cadre d’une action menée par Consumers International, l’UFC-Que Choisir alerte aujourd’hui sur la recyclabilité bien trop faible des produits de grande consommation. Accompagnés de 8 associations de consommateurs à travers le monde (1), nous avons décortiqué, pesé et trié les emballages d’une sélection de produits disponibles largement dans le monde (2) pour évaluer s’ils sont recyclables et effectivement recyclés, et quelle information est fournie aux consommateurs. Le constat est sans appel : les metteurs sur le marché sont bien peu scrupuleux sur la recyclabilité et la France se singularise par des taux de recyclage significativement inférieurs à ses voisins européens. L’UFC-Que Choisir demande donc aux pouvoirs publics d’accentuer la pression sur les producteurs pour réduire à la source les déchets.
Des metteurs sur le marché peu scrupuleux
Sourds à l’exigence de consommation responsable des consommateurs, les fabricants n’hésitent pas à mettre sur le marché des emballages impossibles à recycler. Principal frein, les emballages multi-matériaux qui viennent perturber le processus de traitement, comme les films plastiques métallisés des sachets de nourriture pour chat Whiskas et des barres Kit Kat. Ces emballages ne sont pas recyclés dans 6 des 9 pays étudiés, dont la France. Mais le casse-tête du recyclage et des cocktails de matériaux ne s’arrête pas là. Les chips Pringles vendues dans un tube en carton doublé d’aluminium, au fond métallique et scellé par un bouchon en plastique, sont un cas emblématique d’une conception oublieuse de la fin de vie du produit : le tube Pringles n’est recyclable dans aucun des 9 pays étudiés.
L’incurie des metteurs sur le marché va plus loin encore. Notre étude montre que, sur l’ensemble des marchés, les fabricants restent friands de plastique pour emballer leurs produits, au mépris d’alternatives plus vertueuses. En France, chacun des 11 produits du panier comporte au moins une pièce en plastique : sachet de M & Ms, emballage des barres Toblerone, couvercles du Nutella, flacon de savon Dove, etc. Le plastique sous toutes ses formes est omniprésent, malgré la litanie de ses effets néfastes, depuis sa production jusqu’à sa fin de vie, sur notre santé et l’environnement (perturbateurs endocriniens, consommation de ressources fossiles, pollutions, etc.).
En France, seulement 26,4 % du plastique est recyclé
L’omniprésence du plastique est d’autant plus problématique qu’il est, en France, très mal recyclé. Si l’extension des consignes de tri (3) devrait permettre d’améliorer la collecte, celle-ci se heurte, en aval, aux trop faibles capacités de recyclage des filières. Tout plastique, même lorsqu’il est recyclable en théorie, n’est dès lors pas systématiquement recyclé. C’est bien souvent le sort des plastiques fins qui emballent les sucreries et barres chocolatées. Le taux de recyclage du plastique en France, mauvais élève de l’Europe, reste ainsi à la traîne. Alors que le Portugal recycle 42 % de ses emballages plastiques et le Royaume-Uni 44 %, la France arrive en avant-dernière place du classement avec seulement 26,4 % (4). Dès lors, l’objectif de 100 % de recyclage du plastique à l’horizon 2025 fixé par la loi Anti-Gaspillage pour une Économie circulaire (AGEC), ambitieux sur le papier, relève du vœu pieux en l’absence d’une réelle volonté de l’atteindre.
Conséquence de metteurs sur le marché peu scrupuleux et de filières de recyclage déficientes, l’action initiée par Consumers International met en évidence qu’en moyenne 35 % du poids total de chaque emballage de produit testé ne sera pas recyclé. Une contre-performance qui atteint 39 % en France.
Une information aux consommateurs défaillante
Les emballages étudiés présentent une multiplicité de logos qui ne font qu’accroître la confusion. Si 7 d’entre eux précisent sur l’emballage les consignes de tri à adopter, pour les 4 autres, les consommateurs sont laissés à leur appréciation. M & Ms et Pringles se contentent d’un laconique « Tidy Man », qui n’a pour but que de rappeler que les déchets ne doivent pas être jetés sur la voie publique. Pire, pour le ketchup Heinz et la nourriture pour chat Whiskas, les fabricants ont fait le choix du silence le plus total. Les consommateurs les plus motivés n’auront d’autres choix que d’aller… sur le site internet de ces marques pour connaître le geste de tri.
Le Point vert, qui figure sur 4 produits : M & Ms, Toblerone, Heinz et Whiskas, ajoute encore à la cacophonie. Celui-ci ne renseigne en rien sur la recyclabilité du produit, il indique seulement que le fabricant a payé une éco-contribution. Exigée de longue date, l’UFC-Que Choisir a enfin obtenu sa disparition à partir de janvier 2021, prévue par la loi AGEC. Il reste dommageable que le large délai accordé pour écouler les stocks permette à cet affichage de perdurer jusqu’en octobre 2022.
Face à ces constats désolants, on ne peut que se réjouir de la généralisation sur tous les emballages d’ici le 1er janvier 2022, du seul affichage qui vaille, celui du « Triman » accompagné de l’info-tri qui précise le geste de tri.
Refusant que la charge de la réduction des déchets ne repose que sur les consommateurs-contribuables, l’UFC-Que Choisir appelle les pouvoirs publics à œuvrer pour réduire à la source les déchets, par :
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Le durcissement des mesures d’incitation financière pour les metteurs sur le marché prévues par la loi AGEC (renforcement de l’éco-modulation et système de prime/pénalité selon un montant minimal dissuasif) ;
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L’interdiction, pour les metteurs sur le marché, de recourir à des matériaux qui ne disposent pas d’une filière de recyclage mature dès lors qu’il existe une alternative.
Et les consommateurs à tenir compte du critère de recyclabilité dans leurs choix de consommation.
UFC-Que Choisir
(1) Les membres impliqués sont : CHOICE (Australie), PROTEST (Brésil), UFC-Que Choisir (France), HK Consumer Council (Hong-Kong), CAG (Inde), FOMCA (Malaisie), Consumer NZ (Nouvelle-Zélande), DECO PROTESTE (Portugal), Which ? (Royaume-Uni).
(2) Les associations participantes ont étudié les produits suivants : Nescafé sélection (200 g), M & M’s Peanut (165 g), Coca-Cola (6 x 330 mL), Toblerone (3 x 50 g), Pringles (175 g), Nutella (400 g), Heinz tomato ketchup (220 mL/250 g), San Pellegrino (1 L), Dove Nutrition intense (750 mL), KitKat barres chocolatées (6 x 41,5 g), Whiskas 1 an + (12 x 100 g). Les 11 produits choisis sont les disponibles dans les neuf pays de l’étude dans des contenances identiques ou similaires et sont donc comparables d’un pays à l’autre.
(3) D’ici 2022, tous les Français pourront déposer l’ensemble de leurs emballages dans la poubelle jaune.
(4) Source : Plastics Europe, données pour 2018.